
Appel à contribution n°17 : disciplines hors socle, disciplines non essentielles ?
Que veut-on faire apprendre aux élèves ? Quels savoirs, quels savoir-faire veut-on leur faire acquérir ? On a laissé à l’institution le soin de régler ce problème, que ce soit à travers les corps d’inspection ou les grandes Directions du Ministère (Direction des Écoles, DLC, …). Pourtant, qu’on soit enseignant·e, parent d’élève, syndicaliste ou simple citoyen·ne, on ne peut se désintéresser de ce qu’apprennent les élèves à l’école.
En effet, le choix des disciplines enseignées dépend de multiples facteurs, mais reflète dans tous les cas les objectifs idéologiques de la classe dominante pour une population scolaire donnée.
Un travail réflexif sur ce sujet est d’autant plus important que les disciplines enseignées servent dans le système actuel non seulement à faire acquérir des connaissances – idéologiquement choisies – mais aussi à évaluer et à sélectionner.
La question à se poser est donc : quels savoirs socialement utiles et non discriminants doit-on enseigner à l’ensemble de la population scolaire ?
Le fait de distinguer des « disciplines fondamentales » (couramment réduites au français et aux mathématiques, sous l’intitulé “lire, écrire, compter”) et les autres, considérées comme des catégories « secondaires », répond à une conception utilitariste adaptée à une société néolibérale organisant, de la concurrence entre établissements à Parcoursup en passant par les cours privés, le tri social des élèves
Pourtant, vue l’ignorance fréquente dans ces domaines, ne serait-il pas souhaitable d’aborder très tôt quelques notions de droit, d’économie ? Les domaines liés à l’écologie ne mériteraient-ils pas d’être l’objet d’un enseignement ? Les arts plastiques, la musique, la pratique théâtrale, le cinéma sont-ils condamnés à rester des disciplines de seconde zone, enseignées là où on a la chance de disposer d’un professeur ?
Le découpage même des disciplines enseignées contient une part d’arbitraire et de soumission aux impératifs idéologiques : la géographie par exemple est liée à l’histoire dans une conception géopolitique qui remonte à l’époque coloniale. Elle pourrait tout aussi bien être liée par exemple à l’écologie à travers la notion d’écosystème.
Poser ces questions, et bien d’autres, permet d’avancer dans la définition d’une école qui ne soit pas celle du tri social mais celle d’une solidarité sociale, d’une école égalitaire et émancipatrice.
Celles et ceux qui s’intéressent à l’enseignement ont souvent limité la réflexion au “comment ?” (la pédagogie et la didactique) au détriment du “quoi ?”. C’est à cette remise à plat des “évidences” en ce domaine que s’efforce de participer ce nouveau numéro de la revue, prévu pour le printemps.
Vous pouvez envoyer vos textes ou vos projets de contributions à "admin chez questionsdeclasses.org"
Délai : mi-février.
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Pour avoir visiter des collectifs, m’être intéréssé aux écoles alternatives, dont les écoles démocratiques (mes 3 filles sont en instruction en famille après avoir été à l’école), et pour avoir été moi même à l’école et avoir du à maintes reprises prendre du temps pour déconstruire énormément de choses afin, enfin, d’aller explorer l’art d’oeuvrer, la joie de la réalisation, oeuvrer en conscience avec les matériaux utilisés et avec les humains alentours : J’en suis venu a me dire qu’il est nécessaire de préserver l’enthousiasme naturel des enfants. Aussi de proposer en libre accès une multitude d’outils, des matières diverses (scolaire ou avec des visions plus globales, des pédagogies différentes, beaucoup de manipulation), des ateliers (feronnerie, couture, électronique, écriture, cuisine, dessin, jardinage etc...), des instruments, des rencontres avec des artisants et autres corps de métiers et les laisser observer et évoluer avec. (une ouverture sur l’extérieur avec des rencontres de personnes de tous âges) Tout en étant disponible pour veiller à ce que chacun se sente en sécurité dans ces explorations (en répondant aux besoins lorsqu’ils se font sentir, et seulement si). Toute discipline peut être essentielle. Celle qui conviendra à certains ne conviendra pas à d’autres. Je pense que c’est la diversité et le libre accès qui permet à l’élan naturelle des enfants de s’épanouir à explorer leur voie. Et non plus passer leur temps à perdre leur vie pour soi disant la gagner ensuite, alors que tout est déjà là.
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L’ "essentialité" est avant tout une question d’angle de vue. Chacun définit ses priorités selon sa conception de son environnement, et chacun voit son environnement à l’aune de son horizon.
Le Ministre de l’Éducation actuel a le choix de prioriser les Mathématiques et du Français l’essentiel de son école, dont acte. Mais qui forme-t-il à la longue ? que devient l’Ecole dans ce cas ? La question doit être posée : quel doit être l’ "essentiel" de toute école qui se respecte sinon former des Citoyens, humains en capacité de co-construire la société future ? Un citoyen n’est-il pas celui qui, par sa capacité de réflexion, à s’engager et à agir, permet à tous - à sa société ou à son périmètre social - de bénéficier du progrès ?
La Révolution Industrielle a eu pour objectif social (inavoué) de transformer l’humain en une capacité de production, en moyen humain dédié à la société industrielle naissante ; ces vues ont, à terme, mené à deux guerres mondiales. Rien ne favorisait en ces temps l’émancipation personnelle, sinon celle des classes sociales déjà favorisées dont l’objectif n’était que de pérenniser leur statut, voire d’en améliorer le niveau. Pourtant, les premiers syndicats sont nés sous ces jougs, grâce à la ténacité et à l’engagement d’un petit nombre qui ont alors choisi le danger à la servitude, et ont donné à un grand nombre de leurs pairs l’opportunité de s’engager dans une voie émancipatrice difficile.
Nous vivons depuis quelques mois une situation de repli, contrainte et nécessaire. Chacun ressent à sa mesure le fait d’être confiné, éloigné de ses relations sociales ordinaires, empêché de croiser sans arrière-pensée ses voisins, ses amis. La relation sociale est très dégradée, les symptômes ne manquent pas. Parallèlement, l’actuelle pénurie d’offre culturelle, ce manque qui crie autant qu’il fait crier, pourrait donner à réfléchir sur l’essentialité décidée verticalement pour les programmes scolaires. Le cantonnement volontariste à des disciplines "essentielles" procède de la même pénurie : comment construire un individu socialement stable sur des apprentissages monolithiques ? Considèrerait-on que les disciplines "non essentielles" pourront faire l’objet de découvertes futures ? ne rêvons pas : le travail et ses obligations ne favorisent en rien l’apprentissage des disciplines "non essentielles"...
Les méthodes "syllabiques" (non seulement en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture, mais aussi les "leçons de choses" dirigistes non pas émancipatrices ni formatrices) ont le vent en poupe. Elle conduisent cependant à recréer à terme une situation comparable à celle de la fin du 19ème siècle. Il y a encore peu, le dialogue social, même imparfait existait ; à présent, on voit la conscience collective et l’engagement individuel qui se meurent, faute de projet social réel ; l’individualisme monte, notamment au travers et grâce à des outils numériques qui pourtant pourraient permettre des échanges plus conscients et moins soumis à l’affectif ; la promesse d’un futur plus radieux n’a rien d’une certitude. Quel père peut aujourd’hui promettre un avenir meilleur que le sien à ses enfants ? Pourtant, le monde n’a jamais été aussi riche et la richesse aussi mal répartie. Il y a grand danger à supprimer l’espérance.
Alors quid des disciplines hors français-maths ? Essentielles pour la construction de l’individu, dangereuses pour un pouvoir dirigiste ? Évidemment ! Mais que veut-on au bout du compte ? Là est la question. Pour apaiser un monde, il faut donner à chacun une vision de ce que peut être demain, des progrès autant personnels que collectifs. Mais pour cela, il faut que dès l’enfance, la conscience intuitive d’un engagement personnel dans une construction sociale soit au moins implicite.
Pour exemple, parler de philosophie dès l’école maternelle, cela fait réfléchir, et pas uniquement les enfants ! Il en va pourtant, en plus de la relation sociale, apaisée parce que construite, de l’apprentissage de l’écoute et du respect de l’autre et de sa pensée, de la capacité à débattre, de la construction d’une société réfléchie et respectueuse. N’est-ce pas là un objectif essentiel que toute école devrait poursuivre ?
Revenons à ce doit être l’Ecole : un lieu où chacun peut, à sa mesure, construire ce qu’il sera demain, et non pas un lieu modélisateur de ce qu’on voudrait qu’il devienne. L’ "essentiel" de l’école n’est donc pas dans le simple apprentissage disciplinaire, mais dans la construction complexe de l’individu et de sa personnalité intime. Aucun moyen d’enseignement, aucune discipline n’est prioritaire, mais tous sont assurément essentiels.
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Ne pas confondre disciplines d’enseignements et sélections des élèves. En effet les disciplines d’enseignement correspondent à des méthodes de connaissances du monde. Ainsi le français se distingue t il de l’anglais, les sciences dites naturelles se différencient elles des sciences physiques, l’algèbre se distingue t il de la géométrie, pour prendre des exemples simples, que l’on peut prolonger avec l’ensemble des "modes d’investigation du monde". Ces catégories de la "pensée du monde" peuvent être abordées à l’école de façons tout à fait différentes selon que vous souhaitez "instruire" ou "sélectionner". Ce ne sont pas les disciplines scolaires qui sont en elles mêmes "sélectionnantes" ou "instruisantes" c’est le traitement qu’on leur fait subir en les "présentant" aux élèves qui va permettre à certains ou a tous de parvenir à un degré identique de maitrise. C’est ce que défend en partie "la pédagogie de la maitrise" qui suppose une toute autre organisation de la conception de l’élève. Pédagogie qui suppose que tous les élèves n’apprennent pas au même rythme
. Ce qui signifie que le temps d’investigation des élèves ne peut être égalitaire si celui ci est structuré par l’unité classe. ... C’est le temps qu’il faut pour un élève pour maitriser "une notion (par exemple) qui devient central et non plus "l’heure de cours". L’écologie, le droit, pour prendre vos propres exemples sont eux memes discriminants si vous ne laissez pas le temps à l’élève d’en faire la connaissance. C’est à dire de "naitre avec". Certains naissent et grandissent plus vite que d’autres. Il faut donc permettre à ceux qui sont plus lents de parvenir à naitre et à grandir à leur rythme. J’ai moi même participé en son temps aux classes 6ème 5ème en trois ans, une petite révolution, et une véritable réussite. Mais ce n’est pas la réussite qui compte en matière scolaire (libérale), c’est le coût financier du parcours. D’où la non poursuite de cette expérience, comme d’autres.
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Bonjour,
Je pense qu’aujourd’hui nous devons revoir l’éducation dans sa globalité. Les matières enseignées doivent être prorogées mais à plus faibles doses, pour laisser la place aux enseignements de la vie. J’entends par là, plus d’activités manuelles, plus de sorties en nature, plus d’échanges avec les artisans, plus d’heures à pratiquer la vie courante (cuisine, couture, jardinage). Plus d’heures à rêver.
Partager la journée de nos enfants entre cours de la vie et cours de "culture générale".
Notre monde va changer, il faudra s’adapter, et cela passe par l’apprentissage de nos enfants à être plus résilients.
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