Bac 2019 : révise ta grève… Apprendre à désobéir, petite histoire de la grève enseignante




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L’appel à la grève des examens lancé à partir du lundi 17 juin par une grande partie des syndicats, des organisations lycéennes et différents collectifs enseignants est l’occasion d’un petit retour historique. De 1905 à 2019, en passant par 1927 et 2003, rappel des faits et réflexion sur le sens de la grève des enseignant.es et sur leur fonction sociale... Au début du xxe siècle, rompant avec les Amicales, les premiers syndicalistes enseignant se revendiquent du syndicalisme révolutionnaire et de l’action directe. Pourtant, ils ne comptent pas utiliser la grève comme moyen d’action (1)...
La seconde insiste sur le fait que, en cas de grève générale, le rôle des instituteurs et des institutrices est d’être fidèle à leur poste, en classe, auprès des enfants des insurgé.es, pour éviter au plus jeunes de jouer les gavroches sur les barricades mais aussi pour préparer, en classe, la société de demain qui naîtra de la grève générale expropriatrice (voir le chapitre consacré à l’école par Émile Pouget et Émile Pataud dans leur roman « d’anticipation syndicale » Comment nous ferons la révolution).
1920 - Premier recours à la grève Le premier fait avéré de grève dans l’EN date de 1920 et ne concerne pas directement les questions scolaires puisqu’il s’inscrit dans un cadre interprofessionnel et politique (pour la « socialisation des moyens de production et d’échanges, le respect de la journée de 8 heures, l’amnistie générale des soldats et détenus politiques et la paix avec la Russie »). Le Conseil fédéral de la CGT invite les instituteurs et institutrices à participer à la grève générale du 1er mai… Face à l’afflux des protestations émanant des AG syndicales, l’appel à la grève est annulé. Seul le syndicat des Bouches-du-Rhône maintient sa consigne de cessation du travail qui est suivie par deux cents instituteurs marseillais. Les grévistes payent un lourd tribu... En 1927, dans le 2nd degré, est organisée la première « grève du bac » : « des professeurs de lycées refusent en juin 1927 de participer aux jurys du baccalauréat (ce qui, à l’époque, était facultatif). . Ce mouvement a contribué à démontrer l’importance sociale des professeurs de l’enseignement secondaire, puisqu’à l’époque, le baccalauréat constituait une “porte d’entrée dans la bourgeoisieˮ » (2)… Mais, à l’époque, enseignant.es du primaire et enseignant.es du secondaire appartiennent à deux mondes totalement différent... Novembre 1932, dans un contexte de rigueur budgétaire (crise de 1929) un décret-loi annonce que les instituteurs et les institutrices ne font plus partie du cadre des fonctionnaires actifs et ne peuvent donc plus prendre leur retraite à 55 ans. Les salaires sont autoritairement baissés. Le 20 février 1933 a lieu la première grève enseignante : l’arrêt de travail prend la forme d’une rentrée retardée d’une demi-heure l’après-midi. Psychologiquement, pour la profession, c’est une victoire… revendicativement, un échec ! Après guerre, depuis que le droit de grève est reconnu aux fonctionnaires (3), la puissante Fédération de l’Éducation nationale (FEN) cadre les mobilisations qui se limitent à des journées d’action de 24 heures (avec quelques exceptions, comme la grève parisienne de 1947). Même si, lors du congrès du SNES d’avril 1965, une consultation individuelle des adhérents est organisée sur la poursuite de l’action en cours (à savoir une « grève administrative » contre la mise en place du système des filières ABCDEFG voulue par le ministre de l’Éducation nationale Christian Fouchet). Le mouvement avorte (4)... l’idée est abandonnée. Le mouvement de 68 ne débouche pas, lui non plus, sur une grève du bac, même si celui-ci est particulièrement désorganisé. En juin 2003, alors que des AG de grévistes se réunissent quotidiennement depuis des semaines, voire des mois, la question de la grève le jour du bac est tabou. Dans ce mouvement contre la réforme des retraites mais aussi contre la décentralisation de l’Éducation nationale, les personnels enseignants sont en pointe et très fortement mobilisés. Mais l’idée de perturber les épreuves du bac est rejetée par une grande majorité des grévistes. Rares sont les villes, comme à Perpignan, où des actions sont conduites pour empêcher la tenue des examens…
Grégory Chambat, collectif Questions de classe(s) (1) Ce n’est certainement pas par respect de la légalité (la loi de 1864, autorisant la grève, ne s’applique pas aux fonctionnaires d’État) : la création de syndicat d’instituteurs et d’institutrices est également illégale, ce qui n’empêche pas les militant.es de braver l’interdiction au prix d’une féroce répression. À lire en complément François Bernard, Louis Bouët, Maurice Dommanget, Gilles Serret, Le Syndicalisme dans l’enseignement, histoire de la fédération de l’enseignement, des origines à l’unification de 1935.
« Pour une approche sociohistorique de la grève enseignante », André D. Robert et Jeffrey Tyssens, Éducation et société, n° 20, 2007. Campagne de soutien au site Questions de classe(s) Questions de classe(s) est un site internet et une revue qui relaient et questionnent l’actualité liée à l’éducation, en France et dans le monde. Dans quelques semaines nous lancerons une nouvelle version du site... Mais nous avons besoin de votre soutien financier, même modeste... On compte donc sur vous ! https://www.questionsdeclasses.org/lalibrairie/produit/campagne-de-soutien/ De même, n’hésitez pas à publier des articles sur le site |