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Questions de classe(s)

Désir d’éduquer, désir de possession.

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Je livre dans ce court article le texte (actualisé pour le rendre compréhensible) de l’exposé des préliminaires à un travail de recherche que je présentais en mai 1994 à l’Université Lyon2. Ce texte est donné aux lecteurs comme « matière à se questionner », peut-être reprendrai-je cette recherche un jour ?

« Là-bas... là-bas, il y avait des enfants, et je passais tout mon temps avec les enfants, rien qu’avec eux.[...] Ce n’est pas que je me sois occupé de leur instruction...[...][...peut-être les instruisais-je un peu, mais je passais plutôt mon temps avec eux,..[...] je n’avais besoin de rien autre. Je leur disais tout, je ne leur cachais rien. Leurs parents et leurs familles finirent par m’en vouloir tous, parce que, à la fin, les enfants ne pouvaient plus se passer de moi et étaient toujours autour de moi ; [...] J’en eux beaucoup, d’ennemis, à cause des enfants. [...] Et que craignaient-ils donc tellement ? » (L’Idiot, Fédor DOSTOIEVSKI).

Le Prince (l’Idiot) pose une question clé à l’issue de la narration qu’il fait de cet épisode de vie qu’il croisa, quatre ans durant, avec les enfants d’un village. Une question qui ouvre le regard sur la voie de la méfiance : un adulte si proche, trop proche, d’enfants n’est-il pas mû par de mauvaises intentions ? Soyons clairs, n’est-il pas pédophile ?

Cette question clé interroge aussi au regard de ce que pourrait être le désir d’éduquer. Tout éducateur n’est pas pédophile, fort heureusement, mais il en est qui parfois semblent mieux réussir et alors ceux-là pourraient se poser la question de l’Idiot : « Et que craignent-ils donc tellement ? » Ceux-là sont montrés du doigt comme Itard dont l’un des biographes est convaincu de son homosexualité, comme Ruyard Walton (thérapeute du personnage principal de « quand j’avais cinq ans je m’ai tué ») qui sont mis à l’index par l’institution, et dans la littérature nous pourrions en découvrir d’autres.

Quel est l’espace, ou la marge, qui pourrait exister entre la crainte des uns et le risque (la tentation ou la réalité) d’un passage à l’acte des autres ? Faut-il, sous prétexte qu’existe la pédophilie, suspecter tout éducateur qui se comporte différemment des autres avec les enfants ? Quelle va être la frontière entre la vigilance et l’interdiction aveugle ? Qu’elle est la marge entre « être autrement avec les enfants » et un passage à l’acte délictueux ?

C’est autour de ce faisceau, flou, de questions que s’installe la problématique d’un dossier élaboré durant mess études de psychologie (en 1994) : qu’elle distance y-a-t-il entre le désir d’éduquer et un désir de possession d’enfant, terme que je posais provisoirement ?

A quels concepts faire appel pour bâtir une hypothèse de recherche ?

Puisqu’il y a désir, il me semble que c’est avec celui de libido qu’il faut travailler puisque libido, en latin, signifie envie, désir. J’ai fait reposer mon analyse préliminaire de la problématique évoquée sur la définition que Freud donnait, en 1921, de la libido : « La libido est une expression empruntée à la théorie de l’affectivité. Nous appelons ainsi l’énergie, considérée comme grandeur quantitative -quoiqu’elle ne soit pas actuellement mesurable- de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l’on peut comprendre sous le terme d’amour. »

Je ne donnais pas de définition de la libido lors de mon exposé, d’ailleurs en existe-t-il une, et il faut garder du suspens pour l’exposé. Mais, nous retiendrons que se rattachent à ce concept, notamment, les termes de pulsion, de sexualité, d’investissement et de contre investissement.

L’hypothèse, provisoire, que je posais, est qu’il y aurait un rapport entre le désir d’éduquer et la libido, ce qui peut rendre particulièrement fragile et « dangereux » la relation adulte enfant.

Je m’interrogeais, ce devait être le sens de ma recherche, notamment sur la fragilité du rapport entre désir et possession au regard de ce que André Gide écrit dans Les Nourritures Terrestres : « Car, je te le dis en vérité, Nathanaël, chaque désir m’a plus enrichi que la possession toujours fausse de l’objet même de mon désir. » ... La discussion est ouverte.

1 Message

  • Désir d’éduquer, désir de possession. 26 octobre 2020 20:45, par Arthur Serret

    L’article me semble entretenir des flous problématiques.
    "Faut-il, sous prétexte qu’existe la pédophilie, suspecter tout éducateur qui se comporte différemment des autres avec les enfants ?"
    Qu’est-ce que signifie "différemment" ?
    Si différemment signifie le refus de l’autoritarisme, une posture d’accompagnateur dans l’autonomie plus que de "maître", le respect de l’enfant comme individu... je ne comprends pas pourquoi il s’agirait de suspecter, nous, les éducateurs/rices. Il suffira de mesurer l’incompréhension des parents, de l’institution, et surtout l’écart entre des ambitions éducatives différentes.
    Si différemment signifie une proximité physique, une intimité affective, une autorité morale particulière... oui, il peut être légitime d’être vigilant. Non pas parce que tout.es éducateurs.rices seraient potentiellement pédophiles, mais parce que cette relation enfant-adulte est dans notre société fondamentalement inégalitaire, et marqué parce que certain.es appellent "la domination adulte". L’éducateur a le pouvoir dont l’enfant est privé et à ce titre, la distinction entre l’intimité et l’emprise, la caresse et l’agression sexuelle est complexe. Comme l’est celle du consentement dans une société patriarcale d’ailleurs.

    Ce n’est pas pour rien qu’en pédagogie Freinet ou institutionnelle, ce n’est pas l’enseignent et son corps qui sont le coeur de la relation à l’apprentissage, mais bien la classe, le collectif. Il s’agit d’une tradition pédagogique où l’enseignant n’est pas au centre, et c’est à mon sens aussi à ce titre qu’elle est émancipatrice parce qu’elle sort l’éducation de la seule relation adulte-enfant. La question désir d’éducation / désir de possession en est d’autant plus légitime, mais il me semble qu’elle ne peut réduire l’éducation à la relation adulte-enfant, et qu’elle ne peut faire l’impasse d’une analyse sociologique et critique des relations de pouvoir entre éducateur et enfant.

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