Édito de l’Emancipation syndicale et pédagogique, n°2 oct 2017





![]() L’école et les marchands Ce pourrait être le titre d’une fable de La Fontaine, mais non, c’est celui d’une chronique de la marchandisation du système éducatif, déjà bien avancée et qui se poursuit tranquillement, sans soulever dans les média dominants beaucoup de polémique ou de débat. Depuis l’an dernier les marchands entrent à l’école aussi par le recrutement et la formation. L’association Teach for France, filiale française de la multinationale Teach for All, a signé en effet sa première convention avec l’Education Nationale et l’Académie de Créteil. Celle-ci entre dans sa deuxième année scolaire d’application, la campagne de recrutement pour la deuxième "promo" est actuellement ouverte. C’est tout un système parallèle à l’Éducation Nationale qui se met en place. Il s’agit de privatiser le recrutement de contractuelLEs, engagéEs pour deux ans, mais aussi l’accompagnement et la formation, ou plutôt le formatage par "une machine de diffusion de l’idéologie de marché", pour reprendre le mot de Maria Noland dans un article d’août 2017 de L’Humanité. Pour l’instant une seule académie a signé cette convention, 60 candidatEs se sont présentéEs devant un jury composé en partie de cadres de grandes entreprises, 29 ont été retenuEs. On peut facilement en prévoir la diffusion dans d’autres académies, quand on sait que les dirigeants de Teach For France sont des proches du pouvoir actuel, comme Laurent Bigorne, qui dirige aussi l’Institut Montaigne. Notons bien qu’il ne s’agit pas de partager les richesses produites pour financer le droit à une éducation émancipatrice pour touTEs, à la poursuite d’études de son choix, ou de s’organiser, de se former aux pédagogies coopératives, pour lutter contre l’échec scolaire. Non, il s’agit d’investir, c’est-à-dire d’assurer une dépense qui rapportera des bénéfices. On pourrait se dire naïvement que l’éducation cela ne rapporte pas. Ce serait oublier que par exemple la communication de millions de métadonnées concernant élèves, parents et enseignantEs, ouvre un immense marché publicitaire aux nombreuses entreprises privées (maisons d’édition, cours privés de soutien scolaire, multinationales américaines du GAFAM, … ) qui travaillent déjà sur le marché de l’éducation. Ce serait aussi oublier que pour la société capitaliste, endoctriner les jeunes avec la "culture de l’entreprise", pour en faire une main d’œuvre "flexible", c’est-à-dire précaire à vie, non seulement docile mais encore consentante, cela peut "rapporter gros". Raymond Jousmet, 26 septembre 2017 1 Message |