"N’autre école" est-elle condamnée à une seule posture de résistance ?




![]() « N’AUTRE ÉCOLE », ARGUMENTS POUR UNE NOUVELLE AMBITION par Raymond Millot N’autre Ecole, avec sa revue et [son site] Q2C, s’efforce de fédérer celles et ceux qui, comme Paulo Freire, « assignent à la pédagogie l’objectif de développer la conscientisation des apprenants pour qu’ils transforment la société vers plus de justice sociale ». Ce grand pédagogue ajouterait aujourd’hui sans aucun doute et « vers plus de respect des équilibres écologiques » ! Q2C a réussi son projet « faire circuler les idées », trop bien peut-être. Trop d’information tue l’information… Les contributions reçoivent peu ou pas de commentaires puis disparaissent. La revue, en revanche, permet d’aller plus en profondeur avec des articles courts et précis qui alimentent très utilement la pensée militante. Question : N’autre école est-elle condamnée à une seule posture de résistance ? Les arguments pour cette « nouvelle ambition » résultent d’une prise de conscience résultant des écrits, des travaux, des alertes concernant l’anthropocène. Et du refus du confort que permet la « dissonance cognitive », ou la « procrastination ». Je propose donc, dans ce qui suit, tout d’abord une page qui situe historiquement cette ambition, puis un appel datant d’octobre 2017 qui garde toute son actualité et qui constitue(rait) une première contribution pour la définir et en faire un projet offensif. Cette crainte se confirme, malgré les mauvaises nouvelles qui s’accumulent, malgré l’appel des 15 000 scientifiques.
Ainsi, aux XIXème et XXème siècles, des militant-e-s politiques et des pédagogues se sont efforcés de prévoir ou expérimenter un système éducatif pour la nouvelle société que la situation historique semblait promettre. Au XXIème siècle, il ne s’agit plus d’espoirs mais de certitude : l’entrée dans l’anthropocène est une réalité irréversible dont les conséquences imposent un changement radical de paradigme. Il s’agirait donc, aujourd’hui et à notre tour, de définir les grandes lignes d’un projet éducatif approprié à ce changement. Première contribution (sous sa forme initiale) : LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DOIT MOBILISER LE SYSTÈME ÉDUCATIF CET APPEL S’ADRESSE aux associations, aux ONG, aux organisations politiques et syndicales qui militent pour une réelle « transition écologique » et qui envisagent les multiples ruptures qu’elle implique avec l’ordre existant. Dans le domaine éducatif, deux faits incontestables y invitent : 1/ la persistance du mode de production capitaliste basée sur le profit, la révolution informatique, la mondialisation, et plus visiblement le réchauffement climatique, préparent un avenir difficile et peut-être dramatique pour nos enfants et petits-enfants. 2/ les informations alarmantes qui leur parviennent, du fait qu’elles ne sont pas traitées, sont de nature à les perturber. Elles s’inscrivent dans leur inconscient. Elles amplifient leur tendance à se réfugier dans des activités coupées de la vie ou dans des pratiques dangereuses pour leur équilibre. L’exemple japonais révèle les contradictions du système éducatif : Les enfants apprennent très normalement à faire face aux secousses sismiques. Ils en étudient les données géologiques, géographiques, urbanistiques et se forment au secourisme. Ils acquièrent ainsi une résilience indispensable. Nos enfants et nos petits enfants vivent déjà dans une nouvelle ère que des scientifiques nomment anthropocène. Ils en subissent déjà certains effets, d’autres vont se manifester et vont bouleverser leur existence. En opposition avec l’exemple de Fukushima : La transition écologique devrait porter le projet d’un système éducatif
Cette préoccupation se heurte à une tradition de programmes, de progressions, d’examens, à une formation des enseignants qui, quand elle existe, les enferme dans leur spécialité. Les difficultés que rencontre le modeste projet de travail interdisciplinaire en témoignent. Cette étude des phénomènes qui menacent l’humanité exigeraient au contraire son renforcement, sa généralisation. Et un statut de l’éducation qui cesse d’en faire un instrument de reproduction sociale. Les adultes de demain ont en effet besoin d’une pensée qui aborde tout problème comme un ensemble d’éléments en relations mutuelles, d’une pensée « systémique » qui peut et doit s’exercer dès l’école maternelle. A cet effet l’école doit s’ouvrir sur les réalités du monde Déjà, dans la vie familiale, les évènements dont sont témoins les enfants sont discutés, ne serait-ce que pour apaiser leur esprit. L’école se doit, systématiquement, de les accueillir, de les étudier, de les relier, d’examiner les réponses que la société ou une partie d’entre elle, tente de leur apporter (cf. le film « Demain ») et si possible d’y participer. Les évènements qui parviennent aux enfants sont très différents, qu’ils habitent, à la campagne ou à la ville, dans un quartier bourgeois ou en HLM, en montagne ou en bord de mer, près d’une centrale atomique ou près d’un barrage, dans une région agricole imprégnée de round up ou à proximité de serres biologiques… De ce fait, ce qui sera commun aux écoliers et aux collégiens ne sera pas les programmes mais le développement de cette pensée systémique, ce ne sera pas l’examen traditionnel, mais la production d’un « chef d’œuvre pédagogique » ou d’un « mémoire » qui devra témoigner des connaissances acquises et des compétences de tous ordres qui permettent de les présenter. C’est d’ailleurs ce qui est demandé dans les études supérieures. Si les lycéens avaient connu la pratique du mémoire, du chef d’œuvre pédagogique, ils seraient moins nombreux en difficulté à l’université. La Finlande, dont les résultats au PISA sont remarquables, projette de supprimer dès 2020 toutes les matières scolaires … « pour créer un système qui soit adapté au XXI ème siècle ». La transition écologique y invite également car l’éducation est un facteur majeur de sa réussite. _________________ Raymond Millot, le 30 octobre 2017 CORRESPONDANCE : rr.millot[@]wanadoo.fr |