![]() Les professeurs pourraient-ils cesser d’avoir deux fonctions antinomiques : faire apprendre avec bienveillance et ensuite sélectionner ? Caresser puis gifler ? Déni Pendant des années, je n’ai pas voulu voir que, dans ma classe, je mêlais deux actions contradictoires : j’enseignais de mon mieux et je mettais des notes d’exclusion. Je bichonnais mes moutons et puis, couïc à la gorge pour certains. Dura lex sed lex, amen. Je me persuadais qu’il était normal de récompenser les élèves méritants et de fustiger (pour leur bien !) les lève-nez, les à-la-va-comme-je-te-pousse, les tire-au-flanc, les bouchés à l’émeri, les têtes de linotte et autres évaltonnés. Je n’y voyais pas malice. Mon directeur était d’ailleurs très explicite quand il me disait : « On ne donne pas de perles aux pourceaux. » Début Un début de réflexion a heureusement secoué ma longue torpeur mentale quand j’ai entendu parler d’injonction paradoxale : instruire et sélectionner. Pour certains esprits éclairés, il fallait que le maître d’apprentissage ne soit plus l’évaluateur/censeur du niveau des études, un peu comme actuellement, un fermier de chez nous n’exerce pas tout à la fois le métier de boucher. Décadence Patatras, voilà le vers dans la pomme : des experts s’ingénient à sortir du dilemme en concoctant des questions d’examens externes les mêmes pour tous, dont les réponses sont payées avec la fausse monnaie des points arbitraires. Comment en sortir ? Soit en développant l’objection de conscience aux examens notés/payés pour préférer l’usage du portfolio et d’autres formes d’évaluation douce. Je l’ai fait, c’est dur. C’est cependant hautement politique car cette attitude radicale enraye, dès l’enfance la compétition et l’esprit de lucre qui ruinent notre planète. Soit en pratiquant en classe – loin des experts aux idées engoncées dans la tradition – l’auto-socio-évaluation notée que ces messieurs ignorent mais qui est permise puisqu’elle n’est pas interdite et qu’elle constitue un dépassement exaltant. Les juges externes seront tout simplement remplacés par les élèves, les récipiendaires eux-mêmes qui reviennent ainsi au centre d’un jeu dont ils ont été éloignés. Ceci paraîtra-t-il être une révolution bourrue ou une évolution douce ? Voici concrètement comment cela peut se passer pour les professeurs qui veulent faire apprendre – car c’est leur mission - en s’éloignant de l’instrument à exclure. Je m’explique : les élèves sont prévenus qu’ils doivent bien étudier leur leçon de maths, d’anglais, de physique, pouvoir solfier une partition simple… pour répondre à deux, livre fermé, et ceci à deux reprises aux questions toutes difficiles du professeur (c’est celui-ci qui constitue les duos). Finis donc les questionnaires comme je les ai construits comportant quelques questions faciles souvent inutiles, quelques unes de difficulté moyenne et quelques autres de nature à départager les meilleurs. C’est sur ce canevas ‘gaussien’ que j’ai, à mon grand dam, participé comme expert-aux-petits-pieds, à l’élaboration d’examens externes pour toute une population scolaire quand j’étais inspecteur. Comme le dit Philippe Meirieu, le patron de l’enseignement, ce n’est pas le ministre, c’est Carl Gauss (dit le courbe). Mais revenons à nos moutons à chérir sans plus à forcer, pour quelques uns, à boire le bouillon d’onze heures. Dans un premier temps, c’est la phase « auto » (du grec autos qui signifie lui-même comme chacun le sait) où A et B répondent isolément au contrôle épineux. Après Toutefois, si l’on veut que l’apprentissage prime complètement sur le contrôle des connaissances, on peut envisager que les étudiants confrontés à des questions qui les submergent, qui les bloquent et ainsi les découragent fassent appel aux lumières du professeur ou recourent à des sources livresques. Ensuite, on forme de façon aléatoire des quatuors qui réalisent chacun une grande affiche avec les réponses. Pour l’évaluation, qui incombe désormais aux élèves et plus au professeur (titulaire ou non), les affiches passent d’un quatuor à l’autre ; on y souligne en rouge tout ce qui paraît exact et on ajoute en vert d’éventuelles corrections, de casuels ajouts. Ouvrons ici une parenthèse. (C’est un peu ce que font spontanément des écoliers de lamaisondesenfants.be de Buzet/Floreffe/Belgique après l’examen sélectif externe dit du Certificat d’Etude de Base, examen évidemment individuel, gardé secret jusqu’à la dernière minute, entouré de précautions pour que les gamins ne montrent aucune marque de solidarité, surveillés et notés par des anonymes etc. Enfin, chaque quatuor retrouve son affiche à laquelle il attribue lui-même une note, note qui figurera sur le bulletin de chaque équipier. C’est ça, l’auto-socio-évaluation, un moment d’apprentissage et plus de sélection, moment où évaluer rime avec apprendre. On casse la machine à exclure, donc à redoubler, qu’on remplace par une procédure pour apprendre non seulement la matière mais aussi la citoyenneté. Réussir, c’est également grandir en humanitude et pas seulement en savoirs scolaires. Oui, il faut faire sauter ce terrible verrou qu’est le chiffrage arbitraire des élèves isolés par des juges internes ou externes à partir de batteries qu’ils ont sucées de leur pouce en équipe solidaire (un comble), la marchandisation du savoir, la spéculation, la tricherie… en le contournant pour lui faire rendre gorge. Et ceci en toute légalité, en toute légitimité. Alors, il n’y a plus cette inepte perte de temps où les étudiants n’apprennent rien en répondant seuls, vaille que vaille, à des questions venues de je ne sais où, puis sont en roue libre lorsque les profs corrigent (administrent une correction … ouille !) lors des insupportables « jours blancs » propices au vagabondage urbain. Pendant l’auto-socio-évaluation en revanche, les élèves sont en état d’apprendre et de se montrer tous chercheurs, sans bayer aux corneilles une seule minute. Remarquons qu’un prof au volant de son auto/mobile, ne fonce pas dans un obstacle sur sa route, il le contourne adroitement. Pourquoi n’en ferait-il pas autant en classe s’il doit faire subir des épreuves à ses élèves et les noter la mort dans l’âme ? DéliceUn prof d’histoire/géo donne comme leçon à domicile un truc qu’il n’a pas vu en classe. Il ne s’agit donc pas, cette fois, d’étudier le cours reçu mais d’explorer un aspect du cours à venir de façon transdisciplinaire. Voici ce qu’il écrit au tableau : « Pour mardi prochain, chacun devra fouiller dans l’histoire et le rôle de la lune pour vivre une auto-socio-évaluation. Sortez du cadre en voyant la lune dans l’actualité (explorations), les théories scientifiques, la chanson, la poésie, la BD, les croyances, les mythes ici et ailleurs, la Terre avant son nouveau-né… afin de construire un chef-d’œuvre pédagogique collectif. » Diffusion Diplomatie Dédicace Ch.P. pepinstercharles chez yahoo.be – mars 2019. |
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