Souvenirs de lutte autour d’un feu...





![]() Le Jeudi 5 mars, dans le monde d’avant l’épidémie et du confinement, sur la place des Droits de l’Homme d’Évry, les militants de l’assemblée générale interprofessionnelle de l’Essonne s’interrogeaient bruyamment autour d’un feu de caddie sur la manière de relancer le mouvement social et les grèves contre la réforme de la retraite à points. Parmi les manifestant.es, je croisai sans surprise l’infatigable Marion qui était de toutes les ag et de toutes les actions depuis la réunion de l’Ag au mois de novembre 2019. Au delà de l’expression de la sincérité et de la cohérence de son engagement, elle a bien voulu témoigner sur sa pratique de la militance et partager sa réflexion sur les perspectives émancipatrices de la lutte sociale en période de catastrophe sanitaire, écologique et économique.
Tout d’abord, cette réforme des retraites annoncée suit la panoplie de mesures imposées par la Réforme Blanquer et la période de mobilisation et de grève dans l’éducation nationale au printemps 2019. A Brétigny sur Orge, nous étions donc déjà mobilisés et avions commencé à tisser des liens avec des camarades lors d’actions contre ces mesures. J’avais déjà un état d’esprit revendicatif, déterminé à ne pas laisser passer quelque mesure anti sociale que ce soit. J’étais déjà très en colère et dépitée à la vue de ce que devient le métier d’enseignant et les conditions dans lesquelles nous travaillons et nous accueillons les enfants dans les écoles publiques. L’ensemble de la réforme des retraites est en désaccord avec ce que je revendique pour l’avenir des travailleurs et des travailleuses, des jeunes et des retraité.es. Le système de points qui ne permet aucunement de se projeter et de connaître sa pension à la retraite, la tendance à aller vers un système par capitalisation, et bien entendu l’allongement de la durée de cotisation et de travail. Personnellement, je ne conçois pas le travail tel qu’il est déjà pensé aujourd’hui, alors travailler encore plus longtemps, dans des conditions de travail encore plus dramatiques, sur un marché du travail de plus en plus capricieux et précaire, pour une pension incertaine, je ne vois pas ce que cette réforme a de positif et de socialement juste et justifié.
Je n’ai pas participé aussi intensément à la mobilisation contre la Loi Travail. J’ai participé aux grèves et manifestations mais cela s’est arrêté là.
Depuis des années, la situation de l’école me fait bondir. Cela a été le marche pied vers mon investissement sur l’Ag éduc de Brétigny puis sur sa transformation en Ag interpro. En fait, l’Ag de Brétigny s’est déplacée à Évry mais ce sont les mêmes gens qui y participaient. La transformation de l’Ag éduc de Brétigny en AG interpro en septembre 2019 est plutôt une réussite car elle est toujours debout et avec des liens très forts entre les camarades.
Un exemple d’une journée type en plein milieu du mouvement :
Les actions de péages gratuits pour renforcer les caisses de grèves, les manifestations aux flambeaux, les rendez-vous pour de l’affichage et du banderolage. Toutes les actions étaient fortes de sens et toutes très diverses, très locales ou départementales. Chaque action menée, même à un petit nombre a permis de renforcer les liens entre les militants.
Avec quelques camarades, on se rend à la coordination depuis le début. Nous en parlons et faisons un retrouver à chaque AG interpo 91. Après avoir été écarté, l’idée de cette coordination commence a faire timidement son chemin. J’ai l’impression que ce n’est pas accueilli très favorablement par les militants syndicaux. Les infos relayées ne sont pas souvent reprises ni discutées. Peu d’intérêt y est porté. Cela m’interpelle. Je pensais que cela allait être justement un nouveau cadre de lutte et que nous allions nous en emparer avec force.
Je n’ai pas calculé combien de temps j’allais pouvoir me mettre en grève par rapport à ce que je pouvais perdre. Une fois lancée dans la grève, j’ai seulement essayé de ne pas perdre mes week-ends. Sinon je ne me suis posée la question qu’en terme d’efficacité. J’ai choisi de me rendre le plus disponible possible pour mener des actions locales et je n’ai pas compté le nombre de mes journées de grève. Au départ, la question de la caisse de grève n’a pas été abordée dans l’interpro. Puis, trop tard : nous avons émis l’idée de cette caisse avec un peu de retard sur le besoin des militant.es impliqué.es. Cela n’a pas été relayé et repris de façon très soutenue. Avec quelques camarades convaincus, nous avons créé une cagnotte sur Pot Commun et nous avons mené des actions pour remplir cette caisse de grève propre à l’interpro. ( marchés, actions péages gratuits.) Les cheminots de Brétigny nous ont aussi reversé un peu de leur cagnotte à la fin des repas de soutien ou des actions communes.
Au sein des syndicats et des secteurs majoritairement mobilisés, cela a inconditionnellement aidé. Les caisses de grève ayant aussi été organisées plus tôt. Mais c’est aussi comme cela qu’on apprend. Nous avons compris des choses, nous avons appris par l’expérience comment nous devrons nous préparer pour les luttes à venir.
Les salariés du privé ont été présents dès le début. Certains étaient déjà en soutien dans la lutte dès les réformes Blanquer. Au sein de l’AG, nous n’avons jamais été en opposition mais toujours convaincus que cette réforme nous concernait tous. Les actions votées et décidées en AG étaient autant portées sur le secteur public : débrayage dans les établissements scolaires, manif avec les cheminots ; que dans le secteur privé : débrayage et tractage chez Renault Lardy, Tice Evry, tractage à la Snecma et Khuene Naguel etc … Nous avons toujours misé sur la convergence public /privé. C’était aussi présent dans les décisions d’actions et sur nos banderoles en manif.
La réforme Blanquer puis celle des retraites ont été des éléments déclencheurs à un mon lourd investissement dans la lutte et la tenue commune, avec les camardes, des AG hebdomadaires.
Beaucoup de groupes de Gilets jaunes se sont présentés et ont participé à l’Interpro 91. Des groupes d’horizons politiques très diverses. Parfois même se décrivant comme apolitique …
Je pense que pour le moment, les Ag interpros ne peuvent pas mobiliser massivement sans les syndicats majoritaires. Mais, dans ce mouvement, ils ont aussi été très dépendants des non syndiqués. Les choix stratégiques sont de plus en plus contestés dans la durée par leur propre base. Ils se sont fait déborder par la base et ont essayé de se rattraper en essayant de contrôler les temps forts du mouvement. La technique est toujours la même, ils appellent à l’unité sur leur calendrier mais ne soutiennent pas de fait les mobilisations régulières ni les propositions de date et d’action des coordinations interpros. Ce malgré la participation active de leurs adhérents aux interpros. C’est une incompréhension totale des enjeux et sans doute un aveu de faiblesse sur leur capacité de mobilisation. Je pense que désormais, les orga syndicales doivent faire avec les interpros, sans jouer double-jeu.
Je ne sais pas. Ce que je vois, c’est que les collègues de écoles des collège set des lycées ne sont pas toujours en lien et ne convergent pas lors des luttes de l’éducation nationale. Les syndicats ne sont pas présents dans les écoles. Les enseignants sont aussi de moins en moins attentifs aux stratégies des organisations et peu convaincus par l’action syndicale. Les actions concrète de solidarité entre secteur, où les collègues des collèges viendraient en soutien aux écoles, les écoles au lycée etc … seraient déjà un premier élan. Dans les établissements de ma ville, la mobilisation a été très suivie sur les grosses journées de grève mais malheureusement très peu sur la reconductible et dans les actions. Les enseignants ne doivent pas seulement se mettre en grève les jours annoncés par l’intersyndicale, mais aussi participer aux manifs, actions et ag. S’imprégner de la lutte, s’y investir pleinement pour pouvoir exercer un réel rapport de force. Il nous faudrait aussi du temps dégagé pour pouvoir lutter et s’informer, un temps que pour l’instant seule la grève permet. Pourtant, les raisons de mécontentement et de grogne sont très nombreux et beaucoup de collègues sont épuisées par « les conditions d’accueil » et de travail. Cela devrait être une raison radicale pour se lancer dans la lutte.
A l’heure actuelle, nous nous retrouvons toujours en AG les lundis soirs à 18h à Évry. Nous sommes de moins en moins nombreux et le moral n’est pas à la fête mais nous sommes toujours un noyau dur qui continue de débattre. Certains d’entre nous sommes convaincus et déterminés qu’il faut radicaliser nos actions pour faire avancer la lutte et modifier le rapport de force. Certains pensent aussi que nous devons absolument nous appuyer sur les auto-organisations des Ag interpros nationales qui se forment et se réunissent depuis plusieurs semaines et qui évoluent en parallèle avec l’intersyndicale ( qui elle, ne relaye ni n’appelle pas à suivre la coordination ). D’autres, plus légalistes croient en la lutte syndicale traditionnelle, et le possible changement grâce aux futures élections municipales. |